Amedeo Modigliani

Amedeo Modigliani est né le 13 juillet 1884 à Leghorn en Italie. Les Modigliani sont une famille romaine d’origine juive sépharade et exploitent à cette époque un commerce de bois et charbon et des mines d’argent en Sardaigne. Quatre enfants naîtront de l’union de Flaminio Modigliani avec Eugénie Garsin : Emmanuel (qui deviendra avocat et député socialiste), Margherita Olimpia Modigliani (future mère adoptive de Jeanne Modigliani), Umberto Isacco Modigliani (ingénieur des mines) et enfin, Amedeo Clemente Modigliani.

Si son père est rarement au domicile familial en raison de ses voyages professionnels, le petit Dedo est particulièrement proche de son grand-père, Isaac, jusqu’à la mort de ce dernier en 1894. Isaac Garsin, grand érudit, passa en effet beaucoup de temps avec l’enfant, lui parlant d’art et de philosophie.

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En 1886, Sa mère Eugénie Garsin écrivit à son propos dans les chroniques de sa vie familiale  : « Dedo, un peu gâté, un peu capricieux mais joli comme un cœur ».

En 1895, elle ajoute que « Dedo a eu une pleurésie très grave et je ne me suis pas encore remise de la peur terrible qu’il m’a faite. Le caractère de cet enfant n’est pas encore assez formé pour que je puisse dire ici mon opinion. Ses manières sont celles d’un enfant gâté qui ne manque pas d’intelligence. Nous verrons plus tard ce qu’il y a dans cette chrysalide. Peut-être un artiste ? ».

Amedeo réussit ses examens en 1897 mais, atteint d’une fièvre tiphoïde suivie de complications pulmonaires, il est déscolarisé dès l’année suivante. Il commence alors à prendre des cours de peinture auprès du peintre local Guglielmo Micheli à la Villa Baciocchi. Dans son atelier, il rencontre Oscar Ghiglia qui deviendra un de ses meilleurs amis et réalise notamment ces deux premières oeuvres encore conservées : un portrait du fils de Micheli et un autoportrait signé.

Le 4 mai 1897: Emmanuel Modigliani est arrêté pour ses activités politiques et condamné à huit mois de prison. Cet évènement marque son jeune frère, si fragile,  qui le considère alors comme « un héros ». En 1900, après une nouvelle crise de pleurésie, Amedeo est touché par la tuberculose. Lui et sa famille partent donc en voyage de convalescence. Ils vont à Naples, Capri, Amalfi, Rome, Florence et Venise et visitent les musées, les galeries et les églises. Pendant ce temps, Amedeo écrit plusieurs lettres à Oscar Ghiglia dans lesquelles il décrit son attachement pour l’art et les découvertes qu’il a faites.

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En 1902 il séjourne à Rome, fait des copies dans les musées. Au début du printemps, il est à Florence, inscrit à la Scuola di Nudo. Il partage un atelier avec Oscar Ghiglia et rencontre Ortis de Zarate. A la fin de l’été il se met à la sculpture. L’année suivante, il s’inscrit aux Beaux-Arts de Florence et étudie Carpaccio, Bellini et l’Ecole de Sienne. Il est aidé financièrement par son oncle qui meurt en 1905. Ce décès paraît remettre en cause, faute de moyen, son prochain départ pour Paris. Eugénie Garsin, s’inquiétant de sa santé et lui rendant visite, lui donnera finalement l’argent nécessaire à son départ pour Paris

Il s’y rend en 1906. Sa vie parisienne sera marquée par la drogue et l’alcool. Il habite tout d’abord dans un hôtel près de la Madeleine mais ne cessera de déménager, tout comme il multipliera les petits boulots de subsistance. Il s’inscrit à l’Académie Colarossi (fondée en 1815) rue de la Grande-Chaumière et loue un atelier rue Caulaincourt, près du Bateau-Lavoir où il rencontre les artistes de Montmartre : Pablo Picasso, Guillaume Apollinaire, André Derain et Diego Rivera ainsi que des intellectuels et artistes juifs comme Max Jacob.

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Il peint surtout de petits portraits qu’il vend dans les cafés. En novembre 1907, il rencontre le Dr. Paul Alexandre avec qui il se lie d’amitié. Jeune médecin amateur d’art, il sera le premier à s’intéresser à l’œuvre de Modigliani qu’il soutiendra et encouragera jusqu’en 1914 en lui achetant régulièrement des œuvres.C’est lui qui le convainc d’exposer au salon des Indépendants. Amedeo, qui s’intéresse aux arts primitifs, est influencé par l’œuvre de Toulouse-Lautrec, Beardsley et Steinlen. Au Salon d’Automne, il expose deux toiles et cinq aquarelles et découvre Cézanne(1839-1906) à qui un hommage est rendu.

En 1908 Modigliani fréquente la colonie d’artistes, 7 rue du Delta, créée par Paul Alexandre et son jeune frère Jean. Lieu de vie et de travail, la colonie est supervisée par Maurice Drouard et Henri Doucet. Le 20 mars : il expose six œuvres au salon des Indépendants dont la Juive et l’Idole. Paul Alexandre lui achète la Juive. Il fait de la sculpture dont une à partir des traverses de chêne servant à la construction de la station de métro Barbès Rochechouart. Durant cette période, il connaît des difficultés financières importantes.
En 1909, il s’installe à Montparnasse et rencontre les membres de la famille de Paul Alexandre dont il fait les portraits.
Il rencontre également le sculpteur roumain Constantin Brancusi avec qui il se lie d’amitié. Brancusi lui fait découvrir l’art nègre et l’aide à travailler la sculpture sur pierre.
En 1909, il refuse de signer le Manifeste Futuriste par Marinetti.
 En été, il retourne à Livourne quelques mois où il fait plusieurs études de tête, dont deux seront exposées au salon des Indépendants. Emmanuel lui trouve un travail de sculpteur à Carrara. Cependant, il revient à Paris en septembre et s’installe au 14 de la cité Falguière, à Montparnasse où il travaille la peinture et la sculpture.
En 1910 il Participe au 26e Salon des Indépendants où il expose six œuvres : Le Violoncelliste, Lunaire, deux études (dont le portrait de Piquemal), Le Mendiant et La Mendiante. Quatre de ces œuvres sont à vendre, les deux autres, Le Mendiant et La Mendiante appartiennent à la collection de Paul Alexandre. Modigliani attend d’être véritablement remarqué par les critiques mais seul Paul Alexandre lui achète ses œuvres. Il vit donc plus ou moins dans la misère.
Il habite successivement à la Ruche, au 216 boulevard Raspail, au 16 rue Saint-Gothard à Montparnasse ; puis de nouveau à Montmartre, 39 rue du passage de l’Elysée des Beaux-Arts, dans le couvent des Moineaux et à plusieurs reprises au Bateau-Lavoir.
Jusqu’en 1914, il va se consacrer presque exclusivement à la sculpture sans pour autant abandonner la peinture. Il visite les expositions Matisse et Cézanne , ainsi que le Musée ethnographique du Trocadéro.
En 1911 Il habite 39,Passage de l’Elysée des Beaux-Arts. Il expose un ensemble de têtes sculptées ainsi que des gouaches à l’atelier du peintre portugais Amadeo de Souza Cardoso(1887-1918), rue du colonel Combes.
En 1911, il fait un deuxième portrait de Paul Alexandre (il en fera un troisième en 1913).
En raison de sa mauvaise santé, sa tante Laure l’emmène en Normandie, à Yport, afin qu’il se repose. En 1912 . Il rencontre Lipchitz et Jacob Epstein.Son frère Umberto l’aide financièrement. Il tombe de nouveau très malade et ses amis, dont Ortis Zarate, décident de l’envoyer en Italie chez sa mère. Les dates de ce voyage sont incertaines.
 Avant de partir à Livourne, il dépose des sculptures, des gouaches et des dessins chez Paul Alexandre. De retour à Paris, il commence le cycle de Cariatides.
Le marchand de tableaux Chéron, rue de la Boétie, s’occupe de lui pendant quelques temps. Chéron n’a pas réellement d’expérience en art et recherche plus son intérêt que celui de l’artiste. Il rencontre le sculpteur Ossip Zadkine, Kisling, Foujita et Soutine.
En 1914, Amedeo reprend son travail de peintre et doit abandonner la taille directe. Au printemps, il fréquente Nina Hamnet. Le poète Max Jacob arrange une rencontre entre Paul Guillaume et Modigliani. Il devient son marchand :
« En 1914, pendant toute l’année 1915 et une partie de 1916, j’ai été le seul marchand de Modigliani … » écrivait-il.
Il lui loue un atelier 13,rue Ravignan près du Bateau-Lavoir à Montmartre.
Il vit quelques temps avec Diego Rivera au 16 rue Saint- Gothard. En juillet : il rencontre Béatrice Hastings(1879-1943), journaliste et poétesse anglaise, avec qui il vivra deux années souvent mouvementées. En 1914, elle écrira à propos des portraits d’elle qu’il réalisa : « Quelqu’un a fait un magnifique dessin de moi. Je ressemble à la plus belle des Vierges Marie sans aucun accessoire de ce bas monde ».
Sa production devient plus sûre, plus intense et sereine. Il fera de nombreux portraits de sa compagne. Il travaille chez Béatrice Hastings, chez le peintre Haviland ou bien dans l’atelier de la rue Ravignan. Il se fait réformer pendant la guerre. Paul Alexandre est mobilisé et ne reverra pas Modigliani.La collection de Paul Alexandre est essentiellement composée d’œuvres datant de 1907 à 1912.
En 1915, Paul Guillaume lui achète des tableaux. Il réalise de nombreux portraits (Paul Guillaume, Apollinaire, Max Jacob, Kisling, Henri Laurens et en particulier Béatrice Hastings). Il fréquente Vlaminck, Picasso, Derain, Marie Vassilieff. Il habite 13, place Emile Goudeau. Dans une lettre à se mère datée du mois de novembre: «Je fais de nouveau de la peinture et j’en vends. C’est beaucoup…»
En été 1916  il rompt avec Béatrice Hastings avec qui les disputes se faisaient de plus en plus fréquentes. Son état de santé s’aggrave également mais il continue cependant de peindre et expose avec ses amis dans l’atelier du peintre suisse Lejeune au 6, rue Huyghens.
Cet atelier devient un centre de travail pour les artistes d’avant-garde. Il y rencontre le poète polonais Léopold Zborowski qui devient son marchand. Simone Thiroux est sa nouvelle maîtresse mais il rompt avec elle en 1917, alors qu’elle est enceinte. Il contestera d’ailleurs la paternité.
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Modigliani travaille dans l’appartement de Zborowski, 3, rue Joseph Bara à Montparnasse et lui cède sa production pour quinze francs par jour. Il réalise de nombreux portraits de Zborowski  mais aussi de sa femme Hanka
et de leur amie Lunia Czechowska.
En Mars, Modigliani rencontre Jeanne Hébuterne (1898-1920), étudiante à l’Académie de Colarossi, qui devient sa compagne. En juillet, ils s’installent 8,rue de la Grande-Chaumière, dans une chambre louée par Zborowski.
Le 3 décembre : Zborowski organise la première exposition personnelle de Modigliani à la galerie Berthe Weill, 50, rue Taitbout. Les nus exposés dans la vitrine font scandale et
16 sont menacés de saisie par la police pour outrage à la pudeur. Le vernissage est interrompu brutalement par l’ordre donné à la galiériste d’aller au commissariat faisant face à sa boutique. Parmi les 32 œuvres exposées, certains tableaux posent problème et doivent être décrochés pour outrage à la pudeur. La galiériste, connue pour sa détermination, demande les raisons de cette censure, le commissaire répond : « Ces nus, ils ont des poils ! ». Si l’exposition continue, comme prévu, jusqu’à la fin de mois de décembre, Berthe Weill est cependant contrainte, malgré sa résistance, de se résoudre à ne plus présenter les nus avec des poils pubiens.  À cause de ce scandale, aucun tableau n’est vendu.
Cette année là sera également l’année d’un autre scandale causé par Modigliani et immortalisé par le dessin de Marie Vassilieff. Lors d’un dîner organisé en l’honneur de Braque et auquel Modigliani n’était d’ailleurs pas invité, celui-ci se présente ivre, déclenche une bagarre et sort un pistolet. Pas de blessé mais Modigliani est jeté dehors.  Vassilieff le pousse dans les escaliers tandis que Picasso et Manuel Ortiz de Zarate referment la porte derrière lui.
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En mars 1917, l’état de santé de Modigliani se dégrade de plus en plus, tant que Zborowski décide de l’envoyer sur la côte d’Azur avec Jeanne qui est enceinte.Ils s’installent à Nice pour un an. Sous la lumière du midi, Modigliani éclaircit sa palette, travaille sur des formats plus grands. Il peint les quatre seuls paysages que l’on connaisse de lui.
Il se penche également sur la population qu’il peint dans une lumière proche de celle de Cézanne et de Van Gogh. Se détachant souvent sur des fonds bleutés ou orangés, leur peau est dorée, leur traits apaisés. Il se dégage de cette série de portrait sensualité, simplicité. – Que ce soient
– les nus féminins :
– les portraits d’enfants :
– les portraits d’hommes locaux :
– les portraits de jeunes femmes :
– ou même ceux de Jeanne
Calme, douceur, paix et santé semblent s’en dégager. Pas d’ornement, la beauté de ces tableaux et celle de ces silhouettes, est nue, humble. Ces visages et ces corps affichent une douceur apitoyée, comme un abandon tranquille et serein à l’existence.  Ce constat rejoint d’ailleurs cette «muette acceptation de la vie » que mentionnait Modigliani à Soutine. Il lui écrivit en effet que  : « les personnages de Cézanne, tout comme les plus belles statues de l’antiquité, ne regardent pas. Les miens, au contraire, regardent. Ils voient même si j’ai choisi de ne pas dessiner les pupilles ; mais, comme les personnages de Cézanne, ils ne veulent pas exprimer autre chose qu’une muette acceptation de la vie »
Le 29 novembre 1918, naît leur fille Jeanne, déclarée à l’état civil comme fille de Jeanne Hébuterne, de père inconnu. Elle sera par la suite reconnue par l’artiste. En décembre, Paul Guillaume organise une exposition dans sa galerie, Faubourg Saint-Honoré à Paris, qui rassemble les toiles de Modigliani, Picasso et Matisse.
En 1919, Amedeo écrit plusieurs lettres à Zborowski pour lui demander de l’argent et envoie régulièrement ses toiles achevées à Paris. Il restera plusieurs mois à Cagnes dans la villa du peintre Osterlind. Cette année là, Modigliani rend également visite à Renoir avant de  retourner à Paris.
Jeanne est de nouveau enceinte et sa fille le rejoint le mois suivant et, en juillet, s’engage par écrit à l’épouser.
Il participe alors à des expositions en Angleterre : la « Modern French Art » à la galerie Mansard à Heale(Angleterre) et, en septembre, à la Hill Gallery de Londres, où il a un grand succès. Francis Carco fait l’éloge de son travail dans un article pour l’Eventail, un magazine suisse. En France, cette année là, quatre peintures de Modigliani sont exposées au Salon d’Automne.
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Cependant, comme le montre l’autoportrait qu’il réalise en 1920, sa santé se détériore rapidement. Le 22 janvier : il est emmené inconscient à l’Hôpital de la Charité et y meurt deux jours plus tard d’une méningite tuberculeuse sans avoir repris connaissance.
Le 26  janvier, Jeanne Hébuterne enceinte de huit mois se jette du cinquième étage de l’immeuble de ses parents, laissant la petite Jeanne orpheline.
Modigliani est enterré le lendemain « comme un prince » au cimetière du Père-Lachaise entouré de nombreux amis, alors que Jeanne est enterrée au cimetière de Bagneux. Ce n’est que quelques années plus tard, qu’elle sera inhumée à ses côtés.
Un an après sa mort, Zborowski organise une exposition posthume galerie l’Evêque à Paris.
Peindre c’est “d’un oeil, observer le monde extérieur, de l’autre regarder au fond de soi-même” écrivait Modigliani. La plupart des portraits de Modigliani sont sans pupille. Leur regard est vierge ou à remplir. Si ces silhouettes sont rendues inhumaines, voire fantastiques par leurs lignes dansantes et expressives, elles dégagent également toute une atmosphère. Si les yeux sont les fenêtres de l’âme, les volets de ses portraits sont fermés, mais sur leurs façades, c’est leur monde tout entier qui vient se refléter.

« Sans le savoir vraiment, mais avec cette volonté inflexible qui est la sienne, il peint, avec la même obstination, durant ces quelques dix années que dure sa vie de peintre, un visage et un corps, le même visage et le même corps, le même regard, comme s’il répétait inlassablement ces figures d’exorcisme qui hantent une fête de curation et de divination.(…) Il y a, dans l’aventure de Modigliani, quelque chose d’extra-terrestre : alors, par son regard, nous apercevons la vraie nature de l’homme, de la femme, une grâce qui vient de l’autre bout du temps pour troubler le monde réel, pour l’illuminer. Les visages, les corps s’ouvrent à l’infini, laissant entrer une lumière nouvelle. Modigliani peint les visages, mais c’est son monde qu’il peint (…) un monde de silence, où cessent les paroles humaines. A peine reconnaît-on les signes, car tout a été dépouillé, mis à nu, restitué dans l’originelle condition. Visages lisses, yeux perdus dans leur propre regard, lèvres exprimant l’indicible. Regards pareils aux reflets de la lumière sur l’eau, sur la pierre, sur le métal. Sourires insensés, qui ne s’adressent à personne, qui sont la contemplation de la divinité de l’être et de la lumière, comme dans la vie de Max Jacob :

J’attends vos silences, espaces pour devenir un astre pur »

J-M Le Clézio

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