Citations et divagations autour de L’Abécédaire de Gilles Deleuze, (Pierre-André BOUTANG et Claire PARNET)

A . Animal

« Tout animal a un monde. C’est curieux car il y a beaucoup d’humains qui n’ont pas de monde. Ils vivent la vie de tout le monde, c’est à dire de n’importe qui, de n’importe quoi. Les animaux, ils ont des mondes ».

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Un monde animal c’est quoi? C’est parfois extraordinairement restreint et c’est cela qui m’émeut.  (…) Peut-être que c’est parfois la pauvreté de ces mondes, la réduction, le caractère réduit de ces mondes qui m’impressionne beaucoup »


« Couleurs, champs, postures sont les trois déterminations de l’art »

Les territoires c’est le domaine de l’avoir. Or c’est très curieux que ce soit dans le domaine de l’avoir. C’est à dire mes propriétés (à la manière de Beckett ou à la manière de Michaux). Le territoire c’est le domaine de l’animal et sortir du territoire c’est s’aventurer.

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On reproche parfois aux philosophes de créer des mots barbares mais mets toi à ma place, pour des raisons données je tiens à réfléchir à cette notion de territoire et je me dis que le territoire ne vaut que par rapport au mouvement par lequel on en sort. Il faut donc réunir cela : j’ai besoin d’un mot en apparence barbare => concept de « déterritorialisation » : cas où un concept philosophique ne peut être désigné que par un mot qui n’existe pas. Même sinon peut trouver des équivalents dans d’autres langues. Exemple outlandish chez Melville

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Pour la philosophie on a parfois besoin d’inventer un mot comme barbare pour rendre compte d’une notion à prétention nouvelle. La notion à prétention nouvelle c’est qu’il n’y a pas de territoire sans un vecteur de sortie du territoire. Et il n’y a pas de sortie de territoire c’est à dire de déterritorialisation sans un effort pour se reterritorialiser ailleurs sur autre chose.

Les animaux produisent des signes au double sens : réaction à des signes et production de signes distinctifs

Un animal ? C’est l’être aux aguets (…) et l’écrivain oui, il est aux aguets, le philosophe, il est aux aguets (…)

« Il n’y a pas de preuve que la puce qui vit sur la souris craigne le chat »

« L’enseignement de l’araignée n’est pas pour la mouche »

« Qui s’est abaissé devant la fourmi n’a plus qu’à s’abaisser devant le lion »

Henri Michaux

Un écrivain il écrit pour des lecteurs. Mais qu’est ce que cela veut dire « pour ». Cela veut dire à l’intention de (…) il écrit pour des lecteurs mais il faut dire aussi que l’écrivain écrit pour des non-lecteurs, c’est-à-dire non « à l’attention de » mais « à la place de ». « Pour » veut dire deux choses. Cela veut dire à l’intention et cela veut dire à la place.

Artaud a écrit des pages que tout le monde connaît :  « J’écris pour des analphabètes, j’écris pour les idiots »(…) Cela ne veut pas dire pour que les idiots le lisent, cela veut dire « à la place », c’est à dire à la place des sauvages (…)

 

Ce n’est pas une affaire privée de quelqu’un écrire, c’est vraiment se lancer dans une affaire universelle

Ecrire c’est forcément pousser le langage et pousser la syntaxe jusqu’à une certaine limite. La limite qui sépare le langage du silence, la limite qui sépare le langage de la musique, la limite qui sépare le langage du piaulement douloureux (…)

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Quand on fait de la philosophie on est sur la limite qui sépare la pensée de la non-pensée. Il faut être toujours à la limite qui vous sépare de l’animalité mais justement de telle manière qu’on n’en soit plus séparé. Il y a une inhumanité propre au corps humain et à l’esprit humain. Il y a des rapports animaux avec l’animal.

 

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